Nina passa son index sur la couche poussiéreuse du piano, eut un soupir aux airs un peu tristes.
Alors c'est ici qu'elle cuverait sa peine? Dans l'ombre, à faire elle ne savait pas pour l'instant quoi pour elle ne savait pas pour l'instant qui, dans ce cachot pour princesse mal élevée?... Elle aurait déjà la grande chance de pouvoir sortir un peu plus tôt que l'avait prévu la prison, lui avait vanté secrétaire de Madame Mennetrier. Mais c'était quand même triste, comme programme, ça, ce lieu, Génesis. Elle avait espéré autre chose qu'un trou dans la terre. Elle avait imaginé un endroit un peu plus beau, un peu plus accueillant. Elle ignorait que le centre était souterrain, avant d'arriver ici, car forcément, on avait juste voulu faire marcher la boutique, on avait oublier de lui annoncer quelques détails. Pourtant, quand elle avait débarquée là, apprenant qu'elle n'aurait plus aucun contact extérieur d'ici sa sortie, plus aucun contact avec l'extérieur tout court, elle ne s'était même pas mise en colère. Elle s'était juste sentie las, très las. Et quelque peu mélancolique, aussi.

Ironiquement, la première salle qu'elle trouva fut celle-ci. La salle de musique. Une vaste pièce poussiéreuse, portant en triomphe un piano imposant et un clavier plus discret.
Elle y avait laissé tombé sa valise et un bâillement.
Il était encore l'heure du petit déjeuner, seul un murmure de bruit s’échappé des couloirs.
Bientôt, elle aurait si peu d'importance, dans tout ça, elle. Elle, la fille en jean qui fait claquer ses talons noirs sur le parquet de la salle de musique. Elle serait une classée délinquante comme une autre, elle écouterait les surveillants, elle se trainerait à l'heure dîte jusqu'aux dortoirs des filles, personne ou peu de gens ne la remarqueraient.
S'imaginer glissée, inconnue et invisible dans un torrent de jeunes tous pareils était une idée qui ne lui déplaisait pas. Elle n'était pas ici pour lier des relations, elle était juste venue pour plus vite repartir, et elle ne voulait pas se faire remarquer.

I've wined and dined on Mulligan Stew, and never wished for Turkey,
As I hitched and hiked and grifted too, from Maine to Albuquerque

Une chanson vieille comme le monde lui courrait à présent dans la tête, armée de son vieux jazz et de la belle voix féminine qui l'accompagnait. La chanson la faisait vaguement sourire parmi toutes les pensées austères qui ne voulaient pas quitter son esprit.
Elle commença à murmurer les paroles, comme de peur que quelqu'un la surprenne.

Alas, I missed the Beaux Arts Ball, and what is twice as sad,
I was never at a party where they honored Noel Coward...
But social circles spin too fast for me,
My "hobohemia" is the place to be...

Elle tapota sa main sur le piano, comme pour s'imaginer l'accompagnement jazz qui la suivait. Reprit d'une voix plus forte, plus intense. Ce n'était pas une question de racisme, mais les chanteuses de Jazz blanches avaient toujours eut du mal à se battre contre les noires. Et dieu savait à quel point Nina aimait la belle et forte voix d'Ella Fitzgerald! Bien que sa voix était bien plus européenne, et bien moins grave.

I get too hungry, for dinner at eight,
I like the theater, but never come late,
I never bother, with people I hate,

Elle sourit un peu. Elle se prenait pour l’héroïne d'une comédie musicale, c'était repartis.

That's why the lady is a tramp.

Si la vie était bien faite elle aurait vécu dans Glee, rien ni personne ne l'aurait arrêtée.

I don't like crap games, with barons and earls,
Won't go to Harlem, in ermine and pearls,
Won't dish the dirt, with the rest of the girls!

Mais la vie était mal faite.

That's why the lady is a tramp!

Elle vivait à Génesis.

Blume avait un peu perdu le cours du temps, depuis qu’il était entré à Génésis. Il faisait son possible pour se fondre dans la masse – il avait pensé que ce ne serait pas évident, avec ses cheveux colorés et son allure androgyne, mais le Centre était rempli de tellement de gens bizarres qu’il passait presque inaperçu. Presque. Autant passer le temps qu’il devait passer ici dans la tranquillité. Les missions qui avaient suivi celle avec Innocent avaient été beaucoup plus faciles, et il commençait presque à s’y habituer, mais se lever chaque matin restait une expérience éprouvante.
Cette nuit-là, il n’avait pas réussi à s’endormir. S’il avait réussi l’exploit de ne pas se blesser durant les quelques missions proposées ces derniers jours, son épaule recousue restait désagréablement fragile, et il était courbaturé de ses efforts pour ne pas dormir dessus. Il s’était levé très tôt, pour aller marcher. L’air frais lui manquait. Il avait l’impression qu’il allait dépérir, se racornir jusqu’à n’être plus qu’une poussière qui volerait au vent, s’il ne parvenait pas à voir un petit bout d’extérieur.

Les couloirs étaient vides, encore une fois, vides et blancs comme les couloirs d’un abattoir stérilisé ou d’une prison. Ses chaussures claquaient sur le sol dans un bruit répétitif. Le grondement diffus de la climatisation se faisait entendre, son désagréable qui occupait l’oreille. Et puis, aussi impromptu que ça puisse paraître, il entendit chanter.
Il n’y avait pas d’orchestre, pas même de guitare ou de piano ; juste une voix seule, timide au départ, qui monta en intensité. Il reconnut les paroles de The Lady Is a Tramp – la version de Nina Hagen tournait en boucle sur son iPod – et avec un sourire mi-amusé, mi-interloqué, décida de suivre la voix. C’était bien la première fois qu’il tombait sur quelque chose qui lui plaisait, depuis qu’il était ici.

La chanson semblait venir du fin fond d’un couloir, pas très loin du Hall où il était arrivé lui semblait-il, c’était une voix de jeune femme. Il s’engagea silencieusement dans le couloir, comme s’il avait peur de l’effaroucher, comme on le ferait pour un oiseau craintif. S’arrêta juste avant la porte, pour ne pas que la fille s’arrête en le voyant. Il s’adossa au mur. Elle avait un bon timbre de voix. On sentait l’entraînement derrière. Pensionnaire ? Membre du personnel ? Quoi qu’il en soit, la chanson finit par s’arrêter, et Blume, après une hésitation, fit un pas pour se montrer dans l’encadrement de la pièce. Et applaudit.

« Jolie voix » lança-t-il à la jeune femme, avec un mince sourire.

[je suis vraiment pas fière de mon post maiiiis... Tu as ta réponse! :3]

Ça aurait été quand même bien mieux avec des musiciens, mais il est vrai qu'on ne peut pas improviser en claquant des doigts un orchestre jazz quand on débarque un beau matin dans un tel centre. Alors Nina tapotait son petit piano, ne cherchant même pas à vouloir jouer la mélodie sur ses notes trop compliquées. Elle savait chanter, mais pas particulièrement jouer. Un rythme lassant sur le couvercle d'un piano ferait bien l'affaire. Puis qui l'écouterait après tout?
La chanson était assez répétitive dans son ensemble, avec juste un petit rythme qui donnait envie de bouger, une fin en fanfare qui lui sembla un peu pauvre lorsque sa voix s'éteignit, un peu essoufflée. Lorsque le court silence revint, Nina se sentit rougir de honte. Elle avait chanté fort, alors que le matin venait à peine de se lever, elle risquait gros si elle avait réveillé certains pensionnaires dans son élan, ou si elle avait dérangée qui que ce soit en général. Mais elle n'eut pas le temps de réfléchir plus qu'un applaudissement discret la fit sursauter.
Un jeune homme était là, appuyé contre le cadre de la porte, abordant un léger sourire, l'applaudissant. Elle ne l'avait probablement pas entendu s'approcher de la salle. Ses cheveux étaient vert... Vert? Comment ça, vert?
Nina se retourna, toujours sous le coup de la surprise, le regardant, d'abord effrayée. D'avoir chanté aussi fort, ce n'était pas surprenant que personne n'accourt vers elle, ou pour se plaindre, ou pour profiter du spectacle. Mais dans son fort intérieur, elle avait espéré n'avoir pour l'instant affaire à personne. Autant dire qu'elle n'avait pas choisis la meilleure chose à faire pour passer inaperçue.
' Jolie voix. ' fit le jeune homme, avec son sourire si discret.
Nina eut un rire un peu gêné, quelque peu hésitante.
' Ah, et bien... Merci. '
Elle laissa passer un silence, réfléchissant à quelque chose d'autre à dire.
' Désolée, je sais que c'est le matin, je n'aurais pas du chanter aussi fort. ' s'excusa t-elle tout d'abord. Elle sembla loucher sur sa valise, qu'elle avait abandonnée près de la porte d'entrée.
Elle décolla son dos du piano, fit un semblant de pas vers lui.
' Je m'appelle Nina, je suis nouvelle.

La fille était jolie. Tant qu’elle était de dos, bien évidemment, il n’avait pas pu le remarquer ; mais maintenant qu’elle s’était tournée, il pouvait voir ses grands yeux et sa moue gênée de gamine qu’on a surprise en train de faire une bêtise, et ça n’était pas désagréable. La plupart des filles du centre étaient des amazones – c’était sans doute ce qu’il fallait pour survivre dans un univers aussi dur, et ça ne le dérangeait pas plus que ça, mais rencontrer une petite nouvelle proprette et féminine, ça faisait quand même du bien. Surtout quand elle avait une si jolie voix.
Elle semblait gênée d’avoir chanté, mais à cette heure-ci tous les pensionnaires avaient été virés de leurs lits à coups de pieds par les surveillants, de plus ils étaient suffisamment loin des dortoirs, alors elle n’avait aucune raison de s’en faire. Il secoua légèrement la tête, son sourire ne quittant pas son visage, alors qu’elle se présentait. Nina Shelley. Encore une Nina dans sa vie.

Il fit un genre de courbette discrète, comme pour la saluer façon gentlemen.

« Blume Engelke. Je suis allemand. Et nouveau aussi » fit-il avec une petite grimace charmante, s’ébouriffant les cheveux. « Hélas. »

Il se demandait bien qu’est-ce qu’une fille comme celle-là pouvait avoir fait de mal pour finir ici. Elle n’avait ni l’air d’une prostituée, ni celui d’une dealeuse... Mais qu’est-ce qu’il en savait, au fond ? Est-ce que son propre statut d’ex-gigolo était écrit sur son front ? Sûrement pas. En voyant son allure et son apparence soignée, on devait peiner à imaginer des bagarres de rue ou la moitié des sales affaires dans lesquelles il avait trempé.

Il lui jeta un regard mi navré, mi intrigué.

« Si c’est pas indiscret, qu’est-ce que tu fais ici ? T’as pas vraiment l’air d’une dangereuse délinquante... »

Il avait gardé son sourire, et malgré ses cheveux et ses allures de jeune punk allemand, avait souhaité se présenter comme un gentleman. Ce n'était pas de refus, d'ailleurs, les gentlemen étaient toujours les bienvenus dans un endroit pareil, mais sur le coup, ça surpris un peu Nina. Peut-être que finalement les personnes d'ici n'étaient pas si différentes qu'elle. De jeunes délinquants mineurs qui s'étaient retrouvés au mauvais moment au mauvais endroit, ou avec la mauvaise personne, rien d'autre. Mais elle en doutait quand même un peu; les apparences étaient trompeuses, et on lui avait bien assez vanté le comportement de ses futurs camarades-collègues pour qu'elle reste un peu plus longtemps sur ses gardes.
' Blume Engelke. Je suis allemand. Et nouveau aussi. '
Nina eut presque un rire mélangé à un sourire soulagé. Il était nouveau! Et elle n'avait donc pas fais faux bond au sujet du punk allemand. Mais Blume... C'était quand un prénom bizarre, non? Ça ne sonnait pas homme.
Le dénommé Blume s'ébouriffa les cheveux, une sorte de grimace sur le visage.
' Hélas. '
Nina sourit. Il était mignon, le punk allemand, et puis il n'avait pas l'air très dangereux à première vue. Mignon n'était bien sûr qu'une façon de parler, un jeune homme comme ça, la vingtaine, ça ne se fait pas appeler Mignon. Beau et sexy passerait mieux... Mais Nina n'en était pas encore là, il se contenterait donc de Mignon.
' Si c’est pas indiscret, qu’est-ce que tu fais ici ? T’as pas vraiment l’air d’une dangereuse délinquante... ' lui demanda t-il après un instant, semblant comme gêné par sa question.
La jeune chanteuse l'observa un instant, incertaine, haussa les épaules.
' Et bien... C'est compliqué. ' Un petit rire embarrassé sortit de sa bouche. Elle ne souhaitait passer pour une niaise, mais c'était toujours gênant, cette histoire.
' Je suppose que je ne suis pas une dangereuse délinquante, mais... '
Ne risquait-il pas de se moquait d'elle?
' J'ai été accusée pour détournement de mineur. '
Elle regarda ailleurs, probablement embarrassée, puis elle se retourna vers lui, comme de peur qu'il ne se m’éprenne.
' Mais il en était rien! Je suis sortie avec un type de dix-sept ans, et quand on a cassée, il a voulut se venger. '
Nina toussota pour faire passer la pilule de cet incident qui lui restait encore dans le travers de la gorge. On allait penser quoi d'elle après? Avait-elle une tête à violer des enfants?
' Et toi? Ils t'ont mis ici pourquoi? '

C’est compliqué. Ces deux mots définissaient si bien leurs histoires, à eux, gamins coincés dans le centre. Comment si peu de mots pouvaient si bien leur aller, à tous, et leurs histoires alambiquées, leurs enfances tordues, leurs casiers judiciaires de gamins perdus, pour qui on a rien pu faire ? Ce n’étaient pas eux, les vrais délinquants, dans cette histoire, c’était les adultes qui les avaient laissés faire ; mais ça, à partir du moment où ils avaient atterri ici, tout le monde s’en foutait bien. Il doutait que beaucoup de gamins aillent voir l’assistance sociale, dans le coin. De ce qu’il avait pu comprendre, les guerres de gangs, ce genre de conneries, ça continuait ici, sous le regard passif de surveillants inutiles ou un poil sadiques. Il ne comptait pas s’impliquer, mais il se doutait que ça allait bien finir par arriver. On peut pas rester à l’écart de ce genre de choses.

C’est compliqué. Il eut un genre de pauvre sourire quand elle prononça les mots. Oh oui, ça l’état tellement... Son histoire de détournement de mineur le fit avoir un rire, alors qu’il la jaugeait. Elle ? Sérieusement ? Et elle se mettait à rougir comme une collégienne. Le pauvre abruti qui avait fait ça devait probablement être vraiment en colère après elle, mais il avait du mal à imaginer pourquoi. Rentrant un peu dans la pièce, il s’approcha du piano et s’y hissa à la force des poignets, s’asseyant sur le couvercle noir, les pieds dans le vide. De toute façon, il était sûrement déjà désaccordé.

« Celui qui t’a fait ça était un beau connard, en tout cas » fit-il avec un pauvre rire. « Qu’est-ce que tu lui avais fait pour qu’il te déteste comme ça ? Détournement de mineur, ça te va pas du tout ! »

Il soupira, réfléchit un instant à ce qu’il pouvait répondre. C’est compliqué à nouveau. Damn. Que de complications dans ce monde. Il finit par lâcher, ses pieds remuant un peu au-dessus du sol dans ses Doc Martens foncées.

« Moi, je suis là pour... » Il réfléchit un instant. « Beaucoup de trucs. Vraiment beaucoup. J’ai volé des choses quand j’étais ado, je les revendais, puis... J’ai été clandestin en Allemagne, je me suis battu avec des gens et j’en ai blessés. J’ai insulté des policiers. J’ai fait partie de trafics pas très propres... »

Il haussa les épaules, la regarda.

« Je suis pas quelqu’un très méchant mais je suis pas très légal non plus. » Un sourire. « Ils m’ont attrapé pour une affaire sans importance et tout m’est retombé dessus d’un coup. »

Quant à son passé avec Mark et l’agence, il préférait ne pas le mentionner pour le moment. Il avait cru comprendre que les rumeurs circulaient vite dans le coin, et autant ne pas leur donner matière. Il préférait, pour ses débuts, ne pas risquer de se faire traiter de gigolo à chaque coin de couloir.

' Celui qui t’a fait ça était un beau connard, en tout cas '
Elle haussa les épaules; son affirmation tombait sous le sens: Oui, Antoine avait été un beau connard. Mais quelque part, quand elle avait vu son air de mec perdu qui ne sait pas vraiment ce qu'il se passe ni pourquoi, à la fin du procès, elle s'était juste dit qu'il n'était pas un salaud, mais juste un putain d'abruti. Un putain d'abruti qui sous la colère, avait joué au putain d'abruti.
' Qu’est-ce que tu lui avais fait pour qu’il te déteste comme ça ? Détournement de mineur, ça te va pas du tout ! '
Nina eut un rire face au compliment.
Blume s'était hissé sur le piano, elle n'avait pas protesté. Elle n'avait aucun talent pour le piano, de toute façon, alors martyrisé cet instrument ne lui fit ni chaud ni froid. Le seul instrument qu'elle avait un jour su joué était la guitare sèche, mais elle n'avait pas réparé les cordes de sa guitare depuis des années. Elle ne savait même plus faire un accord. Du moins, elle le pensait. Ce genre de choses marchaient comme le vélo, ça ne s'oubliait pas.
Elle regarda Blume, comme si elle cherchait la réponse adéquate. Par principe, elle ne souhaitait pas parler au premier venu de ses ébats avec le dénommé putain d'abruti - Antoine pour les intimes. Elle fronça les sourcils, réfléchissant. Elle parlait d'un ex, forcément, elle risquait de parler d'eux si il lui posait des questions comme ça... Mais elle doutait qu'il soit très passionné par son affaire.
' Je ne sais pas. On a cassé, il n'a pas du apprécier, mais de là à me vendre à la police... '
Elle lâcha un soupir. ' Le monde est fourré de beaux connards. '
Blume semblait réfléchir de son côté, commençant sa phrase dans le vide, avant de finir par lui expliquer:
' Beaucoup de trucs. Vraiment beaucoup. J’ai volé des choses quand j’étais ado, je les revendais, puis... J’ai été clandestin en Allemagne, je me suis battu avec des gens et j’en ai blessés. J’ai insulté des policiers. J’ai fait partie de trafics pas très propres... '
La jeune chanteuse tordit son sourire. Elle en voulait même pas savoir de quel genre de traffics il avait fait partie. Mais elle ne lui en tenait pas préjudice, il semblait ainsi avoir eu une vie assez compliqué pour se permettre d'avoir été embarqué dans certaines choses. Drogues, prostitution, violences, ça ressemblait au refrain dont les écrasait la télévision sans cesse. Bien qu'elle le voyait mal en prostituée, l'autre.
' Je suis pas quelqu’un très méchant mais je suis pas très légal non plus. '
Comme tout le monde, pensa t-elle.
' Ils m’ont attrapé pour une affaire sans importance et tout m’est retombé dessus d’un coup.
- Comme tout le monde.' dit-elle, avec un sourire.
Elle s'adossa au piano, à côté de lui, regarda la porte entrouverte de la salle de musique.
' Ils m'ont cueillis, j'étais au volant d'une voiture et pas très fraiche. Ça n'a pas du arranger mon cas. '
Elle releva les yeux vers lui.
' J'y pense, tu sais quel sorte de travail ils veulent nous faire faire? Et comment sont les autres pensionnaires?

C’était agréable, de rencontrer une nouvelle. Depuis qu’il était à Génésis, il avait été aux prises avec de nombreux anciens du centre, qui s’étaient tous faits une joie de lui montrer qu’il allait se faire détruire en charpie durant les prochains jours ; alors, pourquoi discuter cette fille, qui en savait encore moins que lui, ça avait un côté reposant. Il est toujours plus simple d’accomplir quelque chose à deux. De plus, et c’était son vieux fond de galanterie qui parlait, il était sans doute préférable que cette fille à l’apparence si frêle tombe en premier sur lui plutôt que sur une des quelconques racailles du centre ; cela ferait une entrée en matière plus douce. Tous les nouveaux qui arrivaient ici n’avaient visiblement aucune idée de ce qu’ils venaient y faire. Le moins qu’il pouvait faire, c’était de lui expliquer le peu qu’il savait gentiment.

Mais bien sûr, même ça – ce fut impossible.

Nina avait levé le regard vers lui, avait posé la question. Et là, lui était rentré.

« Dégage de là. Ai un minimum de respect pour ce piano, bordel ! »

Et Blume avait levé les yeux au ciel, exaspéré.

« Oh, non.

- Quel genre de « travail »… Comment sont les autres « pensionnaires »… »

Le mec aux cheveux turquoise – car c’était bien lui, celui qui était apparu au milieu de nulle part son premier jour, pour l’insulter et trucider une Tache avant de repartir aussi naturellement – était rentré dans la pièce, sans gêne apparente. Etait rentré dans leur conversation comme si c’était tout naturel. Il y avait ce même air blasé sur son visage, comme s’il se foutait de tout, ce qui n’était sûrement pas faux – la plupart du temps, il avait l’air aussi passionné que s’il assistait à un cours sur l’art de l’onomastique dispensé par un professeur bègue, mais passons. Irrésistiblement, et sans qu’il sache vraiment pourquoi, ça donnait à Blume des envies de claquer sa tête contre un mur. Son regard, qui vous fouillait de fond en comble, comme pour exposer au jour tous les sales petits secrets que vous vouliez cacher, il l’insupportait. Comme tout son être.

Il lui faisait son petit numéro, assis devant le piano à pianoter sur ses touches. Blume en était descendu lorsqu’il était rentré dans la pièce, et ses doigts étaient légèrement tendus, attendant qu’il ait fini de faire son discours. Debout aux côtés de Nina, il avait failli avoir un mouvement défensif lorsque Loebhan s’était dirigé vers elle, mais il s’était contenté de saisir sa tête, la fixant de son regard si particulier.

« Tu vas aller dans la tête des gens. C’est cool hein ? On les empêche de devenir fou. Fous… Comme tous les pensionnaires de Génésis, un jour ou l’autre. Tu crois vraiment que tu sortiras un jour d’ici ? Si c’est le cas, ce sera les pieds devants. Personne sort de Génésis. Et toi, tu feras pas de vieux os. »

Blume avait soupiré à nouveau. Soooo cliché. Lâchant Nina, Loebhan il était retourné s’effondrer sur le piano, avec toute la classe dont il était capable.

« T’en as pas marre, de temps en temps, de jouer au grand méchant qui vient terroriser les nouveaux ? » demanda-t-il avec un claquement de langue agacé, fixant Loebhan en penchant légèrement la tête sur le côté. Si Nina avait voulu dire quelque chose, il lui avait probablement coupé la parole. « Oui, Génésis est dangereux. Personne ici est retardé. Pas besoin de voir ta gueule de déterré pour le comprendre. »

Gueule de déterré, ça semblait être fait pour Loebhan, comme expression. D’un air un peu las, il se tourna vers Nina, désignant vaguement le jeune homme de la tête.

« Nina, je te présente Loebhan. A part des insultes et des menaces de mort, tu tireras pas grand-chose de lui alors... »

Il recula de quelques pas vers la porte de la salle de musique, continuant de la fixer.

« Je sais que je suis pas là depuis longtemps, mais je peux peut-être t’expliquer comment ça marche. Tu veux bien ? »

Il était navré que la jeune fille ait déjà à faire face à ce genre de scène alors qu’elle venait d’arriver, mais il ne pouvait décemment pas rester dans la même pièce que ce cadavre ambulant sans casser des crayons avec ses dents. Il serait sans doute préférable qu’ils partent, tous les deux – mais peut-être que Nina ne voudrait pas le suivre, alors qu’il continuait de reculer vers la sortie.

[pourquoi j'ai l'impression que la vengeance de Loebhy va être terrible?]

Blume s'apprêtait probablement à lui répondre, quand un inconnu aux cheveux d'une couleur encore plus originale fit son entrée dans la salle de musique. Alors quoi, les colorations étranges faisaient partie du bizutage? Si c'était le cas, Nina se demandait quelle couleur elle devrait adoptée. Du rouge, du bleu, du mauve, peut-être du orange? Si il fallait devenir punk, elle se couperait les cheveux assez courts et se colorerait d'une teinte flashy. Mais franchement, ça n'irait vraiment pas avec son style jazzy - il y aurait tout à refaire. Mais pour l'instant, l'inconnu aux cheveux turquoises ne semblait pas s'intéresser à sa coloration, et traversant la salle à grand pas, sembla vouloir que elle et Blume s'écartent immédiatement du piano; ce qu'ils firent prestement.
' Dégage de là. Ai un minimum de respect pour ce piano, bordel ! '
Nina ne dit rien, un peu sur ses gardes, se retourna donc vers ce qui semblait être un pianiste- l'inconnu s'étant assis sur la banquette et ayant commencé tout naturellement à appuyer sur quelques touches.
Elle ne dit rien, attendit que les choses se passent.
Le pianiste la regarda alors.
- Quel genre de « travail »… Comment sont les autres « pensionnaires »'
Nina fronça les sourcils. Il se foutait d'elle c'est ça? Et bien elle était bien tombée... Blume à côté d'elle semblait un peu tendu, un peu crispé. Les deux semblaient se connaitre, et quelque part, ça rassura Nina.
- Tu sais te servir d’un flingue ? De quelque chose de plus dangereux qu’un stick de rouge à lèvres ? Parce que tu vas en avoir besoin. On est pas dans un camp de girl scout ici… '
Nina haussa un sourcil.
' Ouah, merde, j'm'en doutais pas.
Bon dieu, il puait le cliché, le mec dangereux et blasé. Les dents de la jeune chanteuse grincèrent. A quoi jouait-il, qu'est-ce-qu'il voulait, Nina n'en savait rien. Elle n'avait même pas envie de répondre à l'insulte.
Mais voilà qu'il se levait et s'avançait vers elle. Elle eut un mouvement de recul instinctif mais il ne fit que lui prendre la tête et la fixer d'un regard vide qui la fit un instant frissonner.
' Tu vas aller dans la tête des gens. C’est cool hein ? On les empêche de devenir fou. Fous… Comme tous les pensionnaires de Génésis, un jour ou l’autre. Tu crois vraiment que tu sortira un jour d’ici ? Si c’est le cas, ce sera les pieds devants. Personne sort de Génésis. Et toi, tu fera pas de vieux os. '
Elle le fixait, sans savoir quoi faire. Elle hésitait à le prendre pour un malade ou pour un débile. Son histoire de tenait pas debout, pour elle, et les menaces étaient inutiles. Si Génesis voulait quelqu'un d'autre d'elle qu'une fille normale, elle saurait changer. Mais on était pas dans un asile de fous; sa tirade la fit rire intérieurement. Elle allait devenir folle, hein... On verrait bien!
Nina soupira, et Blume fut plus rapide dans sa réponse.
' T’en as pas marre, de temps en temps, de jouer au grand méchant qui vient terroriser les nouveaux ? '
Nina regarda avec stoïcisme la tête turquoise écrasée sur le piano.
' Oui, Génésis est dangereux. Personne ici est retardé. Pas besoin de voir ta gueule de déterré pour le comprendre. '
Blume, lui, sembla sérieux. Génesis est dangereux... Cette tension pesait sur les épaules de Nina depuis son arrivée, mais elle ignorait toujours quel réel danger, à part peut-être la délinquance des pensionnaires, subsistait dans cet endroit. Le sale boulot qu'elle allait devoir faire, aurait-elle réellement besoin d'une arme...
Blume se tourna vers elle, l'air las.
' Nina, je te présente Loebhan. A part des insultes et des menaces de mort, tu tireras pas grand-chose de lui alors... '
La chanteuse eut un léger sourire. Loebhan. Blume. Elle retiendrait ces noms-là en tant que respectivement personne à éviter et personne à aller voir en cas de problème.
' Je sais que je suis pas là depuis longtemps, mais je peux peut-être t’expliquer comment ça marche. Tu veux bien ? '
Il recula vers la sortie, Nina suivit le mouvement, attrapa sa veste et sa valise histoire de vite quitter Loebhan.
' Franchement, j'ai pas follement envie de converser avec ce zombie, je te remercie, alors ma réponse est oui. ' railla t-elle, continuant à le suivre. Elle se retourna vers Loebhan.
' Aurevoir, Loebhan, ça m'a fait plaisir de te connaitre, tu as l'air d'être un type pleins d'humour et d'innocence, ça me fait toujours plaisir de rencontrer des gars comme toi. '
Elle grinça entre ses dents à Blume.
' On se casse, il est flippant. '