Et pourtant elle en avait vu des missions risquées. Elle avait déjà assisté au triste et effrayant spectacle de voir ses camarades se faire étripés sans soucis par une tache. Mais par miracle, Enora y avait toujours échappé, et comptait bien recommencer. Elle avait appris à contrôler sa peur, et la transformer en une espèce d’adrénaline, mais ça ne marchait pas tout le temps. Là, tout de suite, elle était en train de courir pour sauver sa vie, en ne cessant de se répéter que c’était hors de question qu’elle se fasse bouffer aujourd’hui, contrairement au reste de son équipe. Il fallait en plus qu’elle se concentre sur sa respiration, parce que si jamais ses poumons la lâchaient dans une situation pareille, c’était perdu d’avance. Il fallait qu’elle recule, se mette à l’abri pour réfléchir à un plan d’attaque contre cette tache qui ne voulait pas crever. Pour cette fois elle avait laissé ses poings américains pour quelque chose qui faisait plus mal. Une de ses découvertes de la salle d’arme : des griffes rétractables sur chaque main. Mais même avec ça, elle ne pouvait pas se jeter dans la gueule du loup, il fallait avoir l’avantage du terrain, ou à la limite un début de stratégie. En tout cas, elle avait bien le dessein de ne pas crever aujourd’hui. Mais malgré les pertes, John n’avait pas l’air décidé à les sortir d’ici. Elle repassa près du reste de ce qui était un de ses camarades d’infortune, et vit qu’il y avait son arme qui trainait dans le coin. Un fusil quelconque pleinement rechargé, il n’avait surement pas eu le temps de s’en servir avant de se faire bouffer. Enora le ramassa au passage et continua sa course.

La tache semblait être ailleurs, occupée avec un survivant ou un reste de cadavre, mais l’irlandaise continuait de courir comme une poule sans tête jusqu'à la prochaine double porte qui était droit devant elle, avant de la verrouiller derrière elle. Précaution totalement inutile, mais qui ralentirait la tâche pour une petite seconde qui pouvait peut-être servir. Enora se rendit compte qu’elle était dans un cul de sac, une espèce de self sorti d’une mauvaise science-fiction, et surtout qu’elle n’était pas toute seule. Il avait l’air d’attendre la tâche, bien planqué ici pendant que les autres se faisaient massacrer. Elle leva les bras, l’air de dire « c’est que moi, flippe pas. » Il lui disait vaguement quelque chose, elle l’avait peut-être croisé, ou alors entendu une rumeur sur lui… ça lui reviendrait plus tard peut-être. Pour le moment elle s’en contrebalançait de lui, elle savait juste qu’ils étaient peut-être les seuls survivants du groupe, et qu’ils avaient intérêt de travailler ensemble pour s’en tirer. Parce qu’Enora n’était pas une débutante, mais elle doutait sincèrement d’avoir des chances de se tirer de là toute seule comme une grande. La délinquante tentait de calmer sa respiration bruyante, saleté de déformation du poumon.

Elle venait d’ouvrir la bouche pour lui expliquer son point de vue à Vlad, ignorant qu’il n’y comprendrait rien. Mais un bruit dans le couloir enclencha ses réflexes et avant qu’elle ne s’en rende compte, elle était déjà planquée derrière une table retournée sur le côté, et son fusil en joue devant la porte, qui était également la seule issue. Il serait impossible de s’enfuir une fois cette horreur entrée ici, il faudrait s’en débarrasser, parce que crever ce n’était pas une option possible. La tache se cogna à la porte fermée, la déformant par la même occasion, elle recommença trois fois avant de faire voler la double porte en éclat. Enora esquiva un morceau qui fonçait sur elle avant de tirer sur la créature qui venait d’entrer. Bien évidemment, ça ne lui fit rien, si ce n’est attirer son attention et voilà qu’elle se mettait à foncer sur elle. Elle n’eut même pas le temps d’esquiver, mais en profita pour lâcher son arme à feu et d'un geste précis, perfora la mâchoire de la tache avec ses griffes. Enora grimaça et fronça les sourcils, quand elle se rendit compte que ça ne lui fit pas plus d’effet que ça. Maintenant les griffes créature raclaient la table qui lui servait de bouclier et ce n’était qu’une question de secondes avant qu’elle ne cède et qu’Enora finisse en charpie.

« Mais tu vas finir par crever, saloperie ? … »

Vociféra Enora entre ses dents alors que la tache lui saignait et bavait dessus. L'irlandaise ne lâchait pas prise, les griffes toujours plantées dans la gueule du monstre. Mais rien à faire, elle n’avait pas l’air de vouloir crever tout de suite.