Une fois n’est pas coutume, Loebhan sortait de l’infirmerie. Doc l’avait forcé à faire un check up complet et il avait la désagréable impression d’avoir des bandages partout. Pire : il avait l’odeur des armoires pharmaceutiques. C’était extrêmement désagréable. L’odeur du sang était tellement préférable… A peine sorti et marchant dans les couloirs, il enleva celui qui couvrait son poignet pour se mordre. Il recracha : ça avait encore le goût du désinfectant. Ignoble, infect, juste impossible de goûter ça… Il remit finalement le bandage en place tout en maudissant Doc. Il envisageait plusieurs possibilités d’occupations… Rentrer dans sa chambre et larver de manière lamentable tout le reste de la journée sur son lit… Aller manger un truc vaguement mangeable à la caféteria… taquiner le piano… taquiner les fausses taches dans l’Arène… Bhan soupira. Tout ici était d’un ennui mortel. Un jour il fermerait les yeux pour dormir et il ne se réveillerait jamais. Désespéré par un monde aussi morne et gris. Il passa à côté de la salle de musique et ses pieds s’arrêtèrent. Tiens. De la musique. Il n’avait pas l’habitude d’entendre quelqu’un jouer quelque chose de vaguement intéressant.

Se déplacer silencieusement, Bhan savait le faire. C’était même devenu un expert. Il se demandait si il avait un jour fait du bruit ou s’il s’était toujours glissé dans le dos des gens en glissant sur le sol. Toujours est il qu’il rentra dans la pièce sans faire le moindre bruit. Aussi discret qu’un fantôme invisible. Le manège de la jeune femme l’intriguait. De dos, il ne la reconnut pas tout de suite. Mais en s’approchant, il pu mettre un nom sur cette nuque et ses cheveux noirs : Wanma quelque chose. Son dossier était passé entre ses mains glaciales quelques temps plus tôt. Une manipulatrice en herbe, un peu comme lui. Sauf qu’il n’avait jamais délié son talent jusqu’aux affaires internationales. Puis, étant un homme, il ne pouvait pas vraiment jouer de la même carte « séduction »… Vaguement intrigué par son manège, il s’approcha toujours sans émettre le moindre son. En tendant le bras, il aurait pu la toucher. Mais il voulait lire ce qu’elle écrivait, tout en se doutant de ce qu’il y avait d’inscrit sur ces feuilles de papier. Il s’était toujours douté qu’un jour, quelqu’un finirait par faire du trafic d’informations. Il soupira. Se sachant trahi, il enchaîna :

- Et à quoi ça leur sert, toutes ces info, aux Banshees ? Je suis dedans aussi ?

Les Banshees possédaient des membres assez « anciens » pour déjà être au courant de ce qu’elle allait leur apprendre. A quoi ça leur servait, de toute façon, de collecter des ragots sur les pensionnaires de Génésis ? Elles comptaient faire pression ? Mais pourquoi, pour obtenir des privilèges ? En quoi en avaient elles besoin ? Ici, dans ce centre souterrain, Bhan ne comprenait pas vraiment d’où venait cette rivalité. Alors qu’ils auraient mieux fait de s’entre aider pour mieux éliminer ces taches. Ils ne pourraient sortir de Génésis qu’une fois ces monstres détruits… Même lorsqu’ils arriveraient à l’antépénultième créatures, d’autres surgiraient. Mais là n’était pas la question pour le moment. La jeune femme tentait vraisemblablement de se faire une place dans le groupe des Banshees, pour bénéficier d’un support lors des missions. Ok, c’était tout à fait logique. Mais tout de même, que fabriquaient elles avec tous ces ragots ? Bhan alla s’asseoir un peu plus loin et fixa Wanma de son regard sombre et mort.

- T’as l’air de connaître tout le monde alors, pas besoin de me présenter je suppose.

Il haussa une épaule, comme si tout cela l’ennuyait vaguement. Du trafic d’informations… Avec ce qu’il savait, il y avait de quoi faire. Des trucs que même elle, avec son nez de fouineuse, ne trouverait jamais. Il était tout de même curieux de voir ce qu’elle avait amassé sur lui. Des rumeurs, il y en avaient trop pour qu’elle les note toutes, et si elle décidait de ne retenir que la vérité… Non, c’était impossible qu’elle trouve les quelques informations réelles qui circulaient sur lui. Comment aurait elle fait pour écarter toutes les fausses pistes et ne retenir que l’intéressant, qui était si peu divulgué au demeurant ?

- Tu prends combien, pour une info ou deux ? Des vraies, des belles, des authentiques...

[gnut. Il se passe pas grand-chose. Si tu veux que j’édite, aucun soucis.]

Il faut bien l’avouer, Bhan avait un peu de mal à savoir si toute cette chaleur qu’elle émettait était volontaire ou non. Si c’était un attrape couillon ou son vrai fond… Sûrement les deux, en fait. Mais si elle le connaissait tant que ça par les rumeurs qui circulaient, elle devait savoir que ce genre de « magie » n’opérait jamais sur lui. Il en tira tout un tas de conclusions, à base de « on se force tellement à endosser un rôle qu’il devient naturel ». Il la regarda sans la voir ranger ses feuilles, sortir un joli petit ruban bleu, nouer tout ça… Pendant qu’elle s’affairait, il se remémorait les quelques informations qu’il avait en sa possession la concernant. Il se rappelait que la liste de ses amants étaient étonnement longue. Quelque part, c’était étonnant qu’elle est fini chez les Banshees, chez qui son charme ne servait pas à grand-chose… Quoi que… Avec tout ce qu’on racontait sur leurs soirées orgiaques, peut être qu’au contraire elle avait choisi le bon clan. Avec son talent musical, c’était tout de même dommage qu’elle n’ai pas rejoint les Suicides… Evidemment, le gang de Dreiden n’avait pas besoin d’une informatrice. Ils avaient déjà Loebhan. Même s’il ne leur disait pas tout et qu’au fond, il restait relativement secret. Il aimait être le seul à savoir, à posséder des informations secrètes… Il cligna des yeux, se réveillant de sa légère léthargie. Un jour il s’assairait, partirait dans ses pensées et ne reviendrait jamais…

- Tu veux juste de l’aide pour un morceau de musique ?

Il haussa quelque peu les sourcils. Elle avait accès à toutes les informations qu’il détenait et elle ne voulait que son talent de pianiste… Au fond, c’était tant mieux. Peut être que c’était son orgueil qui parlait ? Elle ne voulait pas être aidée et souhaitait tout trouver elle-même ? Pourquoi pas. C’était louable, comme principe, et de toute façon ça ne le concernait pas plus que ça. S’il obtenait ce qu’il voulait sans lâcher une info capitale, ça lui allait tout aussi bien. Il se leva donc et s’approcha du banc. Il resta debout à côté quelques secondes, comme s’il hésitait, mais son regard ne trahissait rien d’autre que le vide… Il s’assit donc. Posa ses longs doigts sur les touches, mais sans appuyer.

- Bon. Je t’aide pour ce morceau… En échange, tu me dis ce que tu crois savoir de vrai sur moi. Les autres infos, ou rumeurs infondées, que tu as… Je m’en fiche.

Parce que, quel que soit son talent d’informatrice, elle ne pouvait pas en savoir plus que lui qui possédait tous les dossiers. Ou plutôt, qui s’arrangeait pour jeter des coups d’œil abusifs dessus… Si le marché ne lui convenait pas, il pourrait toujours lâché une ou deux petites informations qui ne lui coûteraient pas trop. Ou raconter des bobards, allez savoir. Rien ne l’empêchait de la faire tourner en bourrique… Il n’était pas un modèle de confiance. Mais ça, peut être qu’elle ne le savait pas encore. De toute façon son vrai caractère était bien trop enfouit pour qu’on le découvre un jour, à supposé qu’il est un « vrai » caractère qui traîne quelque part dans sa carcasse vide. Il demanda à Wanma de rejouer son morceau une fois, puis deux, et l’accompagna à la troisième fois. C’était un joli quatre mains, le genre de morceau que Bhan aimait bien jouer quand personne n’était là pour écouter. Bizarre que quelqu’un d’aussi j’m’enfoutiste que lui ne veuille pas trop s’étaler au piano en présence des autres… Ses doigts bleuâtres quittèrent finalement le clavier et le silence revint dans la salle. C’était étrange.

Le haut parleur de Génésis grésilla et ils tendirent l’oreille. Quelqu’un allait être appelé en mission. Etrangement, le nom de Loebhan fut cité, et il fronça légèrement les sourcils. C’était pas le moment, il voulait ses infos… Il se leva, lissa d’un geste indolent son jean. D’autorité, il lui fit signe de se lever et de le suivre. En même temps, il ramassa son bonnet qui traînait là depuis la veille, noua ses cheveux bizarrement et put recouvrir le tout avec son couvre chef. Il se tapota les joues, qui rougirent, et afficha un stupide air joyeux. Mais qui semblait terriblement réel. Ses yeux morts pétillèrent soudainement, et on était en droit de se demander à quoi il pensait pour être capable de « revenir à la vie » comme ça… Complètement changé, il sortit de la pièce.

- On va aller à la bibliothèque. Ils ne viendront pas m’y chercher.

Il voulait ces informations, intrigué par ce que la jeune femme avait put rassembler de vrai sur lui. Une pelure d’oignon tout au plus. Ou peut être l’impressionnerait elle avec des rumeurs inédites et justes mais… C’était peu probable. Ils allèrent jusqu’au lieu dit, où il rentra sans problème, et ils allèrent s’asseoir dans un coin discret. Par prudence, Loebhan garda son bonnet mais il reprit très vite son air de cadavre sortit tout droit de la morgue.

- Je t’écoute.